C’est un chantier un peu impressionnant qui s’est déroulé mardi 10 octobre à l’Etang de la Moulette. Une pelle de 20 tonnes est venue retirer des dizaines de godets de terre boueuse, et un tracteur en a déversé plusieurs bennes à l’entrée du site.
“En apparence, on pourrait croire que l’on dégrade le milieu” explique Ghalia Alem-Raquin, chargée de mission Natura 2000 au Parc naturel régional de l’Aubrac. “En réalité, le curage va le régénérer. C’est une expérimentation qui est conduite ici. La prêle et la glycérie ont envahi une grande partie de l’étang, et on a constaté que le flûteau nageant était de moins en moins présent. Il devenait nécessaire d’agir.”
Le flûteau nageant est une petite fleur blanche à trois pétales, qui fleurit entre juin et août, et qui pousse dans les mares et fossés pauvres en nutriments. C’est une plante protégée au niveau national et européen car elle se fait de plus en plus rare. “Sur l’Aubrac, nous avons la chance d’en avoir à plusieurs endroits, dont ici, à l’étang de la Moulette. Natura 2000 permet de financer des actions de restauration d’espaces naturels, alors nous tentons de lui donner un coup de pouce avec ce curage” précise-t-elle. “Le flûteau nageant aime les zones nues, sans végétation. En dégageant ces espaces à la pelle, juste à côté des plants de flûteau existants, il y a de fortes chances qu’ils s’y installent dès l’an prochain. C’est une plante pionnière, une des premières à coloniser les espaces libres.” explique Valentin Bors, du Conservatoire des espaces naturels (CEN). “On intervient à cette saison pour perturber le moins possible les espèces.” poursuit Ghalia Alem-Raquin. “La plupart des espèces ont terminé leur cycle de reproduction. Les amphibiens, par exemple, ont commencé à chercher des endroits pour hiberner sous un caillou ou une souche humide, les larves de libellules se préparent à passer l’hiver dans la vase de l’étang,… Nous déposons les boues de curage à proximité et les espèces reviendront par elles-mêmes dans la mare. Ces boues sont riches en matière organique et en nutriments, d’ici un mois, les riverains pourront venir en récupérer un peu pour leurs potagers.” “Nous, nous n’avons pas l’expertise scientifique suffisante pour pouvoir agir sur les espèces protégées. Pour cela, on travaille avec le CEN et le Parc” commente Louis Navech, maire de Jabrun.
“Quand on cure une mare, habituellement, on enlève entre un tiers ou deux tiers de la surface. Aujourd’hui, nous estimons que nous enlevons 70 m3, c’est peu au final.” continue d’expliquer la chargée de mission du Parc. 3 placettes de 5 mètres par 5 mètres ont été creusées sur 10 à 60 centimètres de profondeur, ainsi qu’une grande de 10 mètres par 3, toutes à proximité des implantations de flûteau. Une dernière placette est creusée plus loin, sans contact avec le flûteau, elle sera un témoin pour déterminer si l’espèce peut se développer alors même que les premiers pieds sont distants de plusieurs mètres. Dès l’an prochain et pendant 5 ans, des inventaires botaniques seront faits pour analyser comment les espèces colonisent ces endroits laissés vierges. Le Parc conduira aussi des inventaires sur les amphibiens et les libellules… pour les identifier et observer leur évolution. “Nous aimerions voir si l’on trouve ici d’autres espèces intéressantes, comme l’agrion hasté ou, plus rare, la cordulie arctique (qui préfère les tourbières mais qui pourrait être de passage sur l’étang),… Peut-être des tritons ? le marbré, le palmé, ou l’improbable alpestre ?…” énumère-t-elle.